Les acteurs du secteur forestier de 11 pays membres de l’espace de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) bénéficient d’une formation destinée à renforcer les capacités en matière de la gestion de projet.
Par Merilyne Ojong
Dominique Xavio Imbabazi est ingénieur à Kigali, au Rwanda. Passionné par l’agriculture intelligente et les solutions respectueuses de l’environnement, il a fondé Golden Insect LTD, une entreprise pionnière dans l’élevage commercial et professionnel d’insectes et d’organismes associés aux insectes pour la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé au Rwanda. Bien qu’il commercialise ses produits dérivés d’insectes aux agriculteurs et aux entreprises, son ambition est d’obtenir des ressources pour développer sa ferme d’insectes.
Pendant de nombreuses années, Imbabazi a contacté des bailleurs de fonds avec des propositions soulignant le grand potentiel et l’importance des insectes pour contribuer à l’amélioration des moyens de subsistance et du bien-être des populations. Néanmoins, il n’a jamais été en mesure de lever des fonds pour ses fermes.
L’expérience dImbabazi est similaire à celle de nombreux scientifiques et entrepreneurs verts en Afrique, et tout particulièrement en Afrique centrale, qui rencontrent des difficultés pour financer leurs projets.
Une étude réalisée par le CIFOR-ICRAF en 2019 révèle que sur les flux financiers internationaux destinés au secteur forêt-environnement en Afrique centrale (qui comprend le bassin du Congo), seuls 11,5 % des financements internationaux sont alloués à la gestion et à la conservation des forêts tropicales. Plus de 88 % de ces financements sont destinés à l’Amérique du Sud et à l’Asie du Sud-Est.
« La faible capacité des acteurs de la sous-région d’Afrique centrale à soumettre des propositions de projets de qualité et suffisamment bancables pour bénéficier de sources de financement internationales peut expliquer cette disparité », explique Richard Eba’a Atyi, coordinateur régional du CIFOR-ICRAF pour l’Afrique centrale.
Atyi ajoute que « cette faible capacité concerne particulièrement les secteurs de la recherche et de la formation, qui reçoivent moins de 1 % des fonds alloués à l’Afrique centrale. Nous pensons que la recherche et la formation sont la clé de voûte de toute quête de développement durable, c’est pourquoi nous attachons une grande importance au renforcement des capacités de nos partenaires dans les pays où nous intervenons ».
En avril et mai 2023, à travers le programme de Recherche appliquée en écologie et en sciences sociales en appui à la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale (programme RESSAC), le CIFOR-ICRAF a organisé à Libreville et Brazzaville quatre sessions de formation sur le cycle de la gestion de projet, ciblant 100 scientifiques, cadres des administrations publics, acteurs impliqués dans la gestion durable des forêts d’Afrique centrale et représentants d’organisations de la société civile de 11 pays membres de l’espace COMIFAC (Angola, Burundi, Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Gabon, République du Congo, République démocratique du Congo, Guinée équatoriale, São Tomé‑et‑Principe et Rwanda).
Selon Donald Midoko Iponga, directeur de l’Institut de Recherche en Écologie Tropicale de Libreville (IRET), « cette formation sur le développement et la gestion de projets arrive à point nommé, puisque nous sommes au lendemain du One Forest Summit qui s’est tenu ici à Libreville. L’une des faiblesses identifiées pour les centres de recherche au niveau sous-régional lors de ce Sommet était leur faible capacité à attirer des financements. Les partenaires avec lesquels nous travaillons ont compris à travers les statistiques que nos centres de recherche et nos universités ont besoin d’être boostés pour se positionner à la hauteur du rôle important des forêts du bassin du Congo pour une meilleure gestion durable des écosystèmes forestiers ».
Lancé en 2022, le programme RESSAC (Recherche en Écologie et Sciences Sociales en Afrique centrale) est un programme quadriennal financé par l’Union européenne. Le programme RESSAC vise à orienter la recherche vers des « solutions opérationnelles » qui doivent être conçues et mises en œuvre sur le terrain par des acteurs confrontés aux multiples défis de la gestion durable des ressources naturelles dans le cadre de leur mandat ou de leurs activités productives.
À Brazzaville, le programme a également noué un partenariat avec l’université Marien Ngouabi en République du Congo afin d’identifier des personnes ressources et des participants pour renforcer leurs capacités en gestion de projet au profit de la gestion des ressources des forêts du bassin du Congo qui abritent environ 30 millions de personnes.
Dispensés par SETYM International, une société de formation canadienne spécialisée dans le renforcement des capacités, les modules de la formation sur le cycle de la gestion de projet se sont concentrés sur des aspects tels que le montage de projets, le cadre logique et la budgétisation. Les participants ont été encouragés à identifier des problèmes dans leur environnement, à proposer des solutions basées sur leur expertise et à élaborer des projets.
« Nous avions identifié des problèmes et des thèmes environnementaux dans mon pays, auxquels nous avons proposé des solutions via des propositions soumises à des bailleurs de fonds en vue d’un financement. Bien que la pertinence des projets ait été établie à différents niveaux, nous n’avons jamais pu convaincre les institutions financières internationales de soutenir nos projets. Après avoir suivi cette formation, je vois clairement les aspects qui manquaient dans mes propositions de projets ainsi que les domaines dans lesquels je dois m’améliorer pour que mes projets soient compétitifs », déclare Cecilia Engonga Abang, technicienne attachée au ministère de l’Environnement du Gabon.
La valeur ajoutée attendue du programme RESSAC ne réside pas seulement dans le fait qu’il permet de financer les recherches en écologie et en sciences sociales en appui à la gestion durable des forêts en Afrique centrale. Ce programme vise également à soutenir et encadrer ces bénéficiaires dans la conception et la mise en œuvre de projets capables d’influencer rapidement et concrètement les modes de fonctionnement et de production des acteurs de terrain impliqués dans la gestion et l’exploitation des ressources naturelles dans le bassin du Congo.